Car passé un certain niveau de bien être, la croissance économique ne consiste en réalité plus qu'à écouler toujours plus de production pour augmenter toujours plus les profits des actionnaires. Le bien être humain et le progrès social n'ont plus rien à voir là-dedans ! C'est ça le productivisme : on crée des besoins artificiels, par la publicité, en montrant en exemple le mode de vie des plus riches, en faisant passer l'accumulation matérielle comme l'alpha et l'omega du progrès social. C'est la fameuse phrase de Séguéla expliquant que « si t'as pas une Rolex à 50 ans, tu as raté ta vie ! ». Résultat : on pousse les gens à travailler plus, à s'endetter plus et au final à consommer plus de choses dont ils n'ont pas besoin, alors que pour beaucoup les besoins fondamentaux de base ne sont même pas remplis ! Et les capitalistes s'en mettent plein les poches. Fin de l'histoire.
On entend certains dire, parfois, que l'objection de croissance serait une idée de riches... Mais même les plus acharnés tenants de la décroissance n'ont jamais dit c'était aux plus pauvres de se serrer la ceinture ! Et aux dernière nouvelles, ceux qui souffrent le plus de la consommation effrénée et du productivisme, ce ne sont pas les 20% de plus riches qui consomment plus de 80% des richesses de la planète, ce sont bien les 20% les plus pauvres qui eux doivent se contenter d'un minuscule 1,6% ! Gandhi ne s'y était pas trompé en disant : « Vivre simplement, pour que simplement d'autres puissent vivre ». Car ce sont bien les pays du Sud, qui voient leurs ressources naturelles pillées, leur agriculture transformée en champs d'agrocarburants et d'huile de palme pour alimenter la surconsommation du Nord, quand leurs populations n'ont même pas accès aux besoins fondamentaux de base et que plus d'un milliards de personnes souffrent de la faim dans le monde !
Ce qu'il faut, c'est une réduction globale de la consommation, ce qui veut dire que les plus riches, qu'ils soient au nord ou au sud, réduisent leurs consommations pour permettre aux plus pauvres d'augmenter la leur. Et que globalement, si on fait la somme de tout ça, on se mette dans une trajectoire de baisse de la consommation mondiale. Parce qu'au-delà des inégalités sociales que génère ce système, les ressources de la planète ne sont pas infinies... Au début des années 60, on avait besoin de la moitié des ressources renouvelables de la Terre pour répondre à notre consommation. Début des années 80, on consommait tout ce que la Terre pouvait nous offrir sans compromettre ses capacités à se régénérer. En 2008, nos « besoins » ont excédé de 30% les capacités de la planète. A ce rythme là, avec un PIB mondial en croissance de 2 à 3%, en 2050 il faudrait 2 planètes pour répondre à la demande de consommation.
Il y a donc une nécessité impérieuse, pour pouvoir un jour vivre tous dignement sur cette planète, à revoir en profondeur le modèle de développement qui est le nôtre aujourd'hui. C'est une exigence que nous partageons tous au PG, et je crois que nous sommes tous d'accord sur la critique de la croissance économique à tout prix, de la société de consommation, de l'accumulation matérielle et du productivisme. Tous d'accord, également, sur le fait que le PIB ne peut pas être la seule boussole politique en matière de progrès humain. Tous d'accord, enfin, sur le fait de ne pas attendre la fameuse relance de la croissance pour engager un vaste mouvement de redistribution des richesses. C'est déjà une bonne base de travail ;)
Placer
l'écologie sociale au cœur de notre projet, c'est exactement ça.
Et un peu plus... Nous devons pousser la logique jusqu'au bout, sinon
on va se contenter de gratter la surface, on sera tous d'accord,
soit, mais on n'aura pas beaucoup avancé. Parce que notre ambition,
pour le coup, implique un véritable changement culturel, y compris
dans le vocabulaire que nous employons. Les mots ont un pouvoir
idéologique important, le camp d'en face l'a bien compris, qui a
réussi à transformer les « cotisations sociales » en
« charges », les « gardiens de la paix » en
« forces de l'ordre », et l'écologie en « croissance
verte ». C'est une question de cohérence intellectuelle et
politique.
Parler de « relance de la croissance par la consommation », c'est rester dans la logique productiviste. Parler de « pouvoir d'achat », c'est continuer à désigner l'individu comme un consommateur. L'important n'est pas de pouvoir « acheter », mais de pouvoir vivre bien, d'avoir ce qu'il faut pour vivre bien. Alors parlons plutôt de droits fondamentaux, de gratuité, de valeur d'usage... Et inventons de nouvelles notions, de nouveaux concepts, comme nous l'avons fait avec succès pour la planification écologique. Prenons exemple sur le Sumaq kawsay des Andins, ou sur le « vivir bien » de Bolivie.
Trouver les mots pour raconter notre projet d'une société radicalement différente, c'est aussi ça qui nous permettra de rendre l'écologie désirable. De faire la démonstration que le défi écologique peut être un levier d'émancipation, et qu'au final ce que l'urgence écologique nous impose, il ne tient qu'à nous de le transformer d'une contrainte en une opportunité.