lundi 24 octobre 2011

"We have nowhere to run", du climat aux Maldives

J'étais jeudi dernier à la conférence internationale sur le climat organisée par la Région. Je reviendrai plus tard sur l'atelier Yasuni ITT. Aujourd'hui je voudrais vous parler du discours de Mohamed ASLAM.

Mohamed ASLAM est Ministre du logement, des transports et de l'environnement de la République des Maldives. Tout le monde connait au moins de réputation ces iles enchanteresses de l'Océan indien. Ce qu'on connait moins, c'est leur action diplomatique, qui s'est accélérée depuis quelques années avec l'arrivée sur la scène internationale du changement climatique. Il faut dire que l'archipel est parmi les premiers pays à être menacés, étant situé sous le niveau de la mer, uniquement protégé par une barrière de corail.

Ironie cruelle de ce petit pays dont la survie économique dépend de touristes venus griller des tonnes de CO2 en avion pour passer des vacances de luxe, et qui en meurt à petit feu...

Mohamed Aslam, donc. Outre le fait que ça fait un bien fou de voir des noirs, des arabes et des métisses, des gens de toutes les couleurs et des vêtements traditionnels dans l'assemblée régionale (surtout sur les bancs du FN ^^), son discours a été un moment fort. Une demie heure sans une hésitation et sans notes, pas une seconde d'ennui, le tout dit d'une voix puissante et humble, grave et posée. Une demie heure de leçons données à nous, pays du Nord dits développés, et d'appel aux pays du Sud qui croient trouver dans notre modèle de croissance économique la voie du bonheur.

"Nous devons le faire. N'attendons plus." Mohamed Aslam

Phrases prises à la volée et traduction maison.

Aujourd'hui, la plupart d'entre nous, nous vivons bien, et nous sommes réticents à revenir sur ce confort de vie. Mais cette "old way of life" que nous aimons tant est remise en cause par les défis climatiques. Nous ne pouvons pas continuer avec ce style de vie que nous menons depuis 200 ans. (...) Les fumeurs savent que fumer leur fait du mal, mais comme c'est un mal qu'on ne sent pas, ils continuent, jusqu'à ce qu'il soit trop tard. C'est pareil avec le climat.

Il y a beaucoup d'événements publics, de conférences, pour chercher un accord global sur le climat ; nous sommes tous déçus de ce qu'il en ressort. J'ai participé à beaucoup de ces événements, comme à Copenhague en 2009. Les attentes étaient fortes, la société civile mobilisée... Tout ça pour deux pages de papier qui n'ont même pas été acceptées par tous. Je n'attends plus de "legal and binding agreement" (un accord global et contraignant). Le plus décevant, c'est que la société civile est aujourd'hui peu engagée dans le processus. Pour autant, nous ne devons pas perdre espoir. "Gear up ! Put more effort !"

Mon pays est très impacté par le changement climatique, avec d'autres pays insulaires : les iles Caiman, Tuvalu, Marshall... Nous n'avons nulle part où nous enfuir, nous sommes sous le niveau de la mer, protégés par des barrières de corail. Que les climato-sceptiques viennent chez nous voir l'ampleur du danger !

Il n'est pas trop tard. Il est très tard, mais pas trop.

Nous ne sommes pas nombreux, mais nous existons en tant qu'iles depuis 5000 ans, et en tant que population de ces iles depuis au moins 2000 ans. Nous avons notre propre langue, notre écriture, nous avons une identité et une histoire. Nous avons les mêmes droits d'exister que toutes les nations du monde. C'est pourquoi je saisis toutes les opportunités de parler pour faire agir.

N'attendons pas que d'autres nous montrent le chemin. Arrêtons de faire ce qui nous fait du mal, arrêtons même si c'est de manière unilatérale. Arrêtons de dire aux autres [aux pays du Nord] : "c'est de votre faute, à vous de changer, nous on continue à faire la même chose que ce que vous avez fait", ce serait un suicide.

Les Maldives ont peu contribué aux causes du changement climatique, mais nous avons décidé d'agir par nous mêmes et de dire stop. C'est difficile de dire "arrêtez de faire ça", il est plus positif de dire "nous devrions faire ça". Nous devons trouver une alternative pour produire l'énergie. La technologie existe, elle a un coût mais elle existe et se développe rapidement, ses coûts vont baisser et cela a plus de sens économique pour un pays comme les Maldives : l'énergie renouvelable est moins chère que le fuel ! "We must stand up for the challenge".

Les Maldives ont fait leur audit des émissions de gaz à effet de serre par secteur. C'est le secteur de l'énergie qui en émet le plus. Nous avons donc entrepris un plan de développement pour les énergies renouvelables et installé des panneaux photovoltaïques sur 29 iles pour économiser 25% de fuel.

Si ça peut être fait aux Maldives, ça peut être fait ailleurs. Nous devons le faire. N'attendons plus.

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