mardi 1 novembre 2011

De retour de Palestine - Chronique 3/4

(suite de mon voyage en Palestine, après le premier et le deuxième)

Au cœur de l'occupation, Hébron et le mur

Délégation du PG en Israël/Palestine, jour 4

Au coeur de l'occupation : Hébron et le mur

(Photo : des étoiles de David peintes par les colons israéliens sur des boutiques palestiniennes fermées à Hébron)

Cette journée est très importante pour la délégation puisque c'est aujourd'hui que nous sommes en contact direct avec les aspects les plus représentatifs de l'occupation de la Cisjordanie, et de son absurdité.

Nous avons rendez vous à 9h avec Mahmoud du comité populaire d'Al-Masara. Il s'agit aujourd'hui de voir directement ce dont on entend si souvent parler. Notre délégation se scinde en deux, une partie d'entre nous allant à Hébron et une autre autour de Bethléem.

A Bethléem, la réalité, c'est le mur. Il faut s'imaginer non une barrière qui court le long d'une frontière qui serait celle de 1967, mais un lacis de murs qui coupent Bethléem de Jérusalem (où seuls les Palestiniens en possession d'un laisser-passer peuvent se rendre), mais aussi les villages les uns des autres, voire même séparent des villages en deux. Partout où l'on se déplace, on voit des colonies : très reconnaissables par leur architecture, leur position en hauteur et l'arsenal sécuritaire qui les protège. On en voit également les différents stades : des prémices de l'occupation illégale par l'usage de préfabriqués, à des villes constituées, en passant par le stade du village. Leur installation amène parfois la création de routes réservées (comme celle que le ministre d'extrème droite Liebermann a fait construire pour se rendre dans sa colonie, Nokdim), mais aussi à l'impossibilité de se rendre sur les terres à proximité pour les palestiniens, et donc de les exploiter. Elle est aussi un enjeu d'appropriation des ressources naturelles, notamment en eau. Ce que Mahmoud nous montre sur le terrain, c'est la cohérence des projets du gouvernement israélien dans la région, qui vise à créer une unité territoriale entre différents blocs de colonies.

En faisant le tour du district de Bethléem, en constatant de visu où en est la construction du mur et quels sont les projets en cours, on voit que l'issue sera d'enfermer la ville et de réduire le territoire utilisé par les palestiniens à 13% du district de Bethléem. Il s'agit par exemple de construire parallèlement au mur déjà construit allant du nord au sud un deuxième pan de mur qui serait 12 km à l'intérieur et à l'est de la ligne verte.

Le mur rend la circulation impossible, empêche les paysans de se rendre sur les terres qui sont de l'autre côté, les exproprie. Nous avons visité un village qui sera très bientôt complètement enfermé par le mur. Ce village se trouve à l'intérieur de la Cisjordanie, au delà de la ligne verte. Il ne s'agit donc bien évidemment pas de séparer Israéliens et Palestiniens pour des raisons de sécurité, mais bien d'isoler à l'intérieur de la Cisjordanie même les villages les uns des autres, les habitants les uns des autres.

De son côté, la deuxième partie de notre délégation s'est rendue à Hébron pour y rencontrer le gouverneur. Celui ci explique que le gouvernorat a 700 000 habitants, et qu'il y a 400 colons protégés par l'armée israelienne. Ils sont installés dans la ville, perturbent le bon fonctionnement de l'ensemble des services et contribuent à tendre la situation. Il ya 102 points de contrôle en ville, notamment dans la vieille ville et plus de 110 aux alentours. Cela rend la vie quotidienne difficile et fait monter la colère face à ces humiliations quotidiennes.

Le Hamas a gagné les élections municipales en 2006, mais la situation semble évoluer, la décision du Président Abbas de demander la reconnaissance de l'état palestinien à l'ONU a provoqué une grande mobilisation populaire, plus de 200 000 personnes ont manifesté à Hébron. S'il y avait des élections demain, le gouverneur pense que le Fatah progresserait et le Hamas baisserait. On le voit déjà dans les élections chez les étudiants ou les syndicats. Il termine en expliquant que la Palestine est le dernier peuple occupé privé d'un état, qu'il serait temps que la communauté internationale fasse cesser cette injustice.

L'après midi au milieu du souk de la vieille ville nous avons d'abord pu constater l'existence de rues fermées et coupées pour « protéger » les colons et l'existence de grillage de protection au dessus des rues du souk bordées par les immeubles des colons, car ceux-ci lancent des pierres et déversent toutes sortes de détritus sur les palestiniens qui passent dans la rue. Par une impasse en labyrinthe, nous avons accédé à la demeure, sur deux étages, d'un habitant palestinien entouré d'immeubles achetés ou réquisitionnés par des colons. Sa famille doit supporter des menaces et du vandalisme quotidiens : jets de pierre, d'eau de javel, tir à balles réelles...

L'armée a pourtant installé des postes d'observation sur les toits alentours, mais pour protéger les colons. Elle a également, comme nous l'avons vu en fin d'après midi, évacué et bloqué par 5 points de contrôle les rues permettant d'accéder à l'entrée de la colonie. Dans cette rue les boutiques ont été fermées du jour au lendemain, elles sont restées remplies de marchandises, les entrées ont été scellées, des étoiles de David peintes sur chaque porte.

En face de l'entrée de la colonie, il y a une école palestinienne. Pour s'y rendre, nos hôtes nous expliquent que les enfants doivent porter des signes distinctifs (chasuble du croisant rouge ou d'ONG), des militants d'ONG assurent l'entrée et la sortie pour que ces enfants ne soient pas agressés par les colons sous le regard impassible des soldats. Cette situation émotionnellement très forte nous interpelle quant au calme et à la dignité dont font preuve les palestiniens que nous rencontrons. Nous avons également pu constater cette situation en passant un point de contrôle à la sortie des souks pour accéder au lieu saint, le tombeau des patriarches. Là, ce sont brimades ciblées, séparation strict des deux lieux saints : entrée de service pour les musulmans, esplanade et grande entrée pour les juifs. Le tombeau d'Abraham au milieu est visible de chaque coté mais inaccessible.

Notre sentiment à l'issue de cette journée et que la ville d'Hébron est clairement un point de fixation organisé de manière délibérée par le gouvernement israëlien.

Demain, la matinée est libre et sera studieuse, nous avons des compte rendus à faire, puis manif à Jerusalem Est contre l'occupation...

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