vendredi 19 octobre 2012

Extraits choisis très subjectifs du Congrès de l'ARF

France_densite.jpgUn philosophe pour une marée de costard-cravates

Arrivée au 8e Congrès ARF (Association des Régions de France) : « Décentralisation, l'heure des régions ». Où l'on se rend compte que patronat et politiques ont deux points communs. Le costard-cravate... Et la détestation de l'État. J'ai raté le speech d'Alain Rousset, Président PS de l'ARF, mais il paraît que ça a été un grand moment de piétinement de la notion de République une et indivisible, notamment sur l'expérimentation législative territoriale. La fête aux Jacobins ;) Il aurait même déclaré qu' « il nous faut aller vers l'exemple allemand des Länder ». Juste au moment où Angela Merkel déclare au nom du gouvernement allemand que "nous pourrions faire un pas en avant en accordant à l'Europe un véritable droit d'ingérence sur les budgets nationaux". Joli sens du timing.

C'est à Laurence Laigo, qui s'exprime pour la CFDT : "si on veut pouvoir redistribuer de la richesse, il faut d'abord la créer" (donc croissance, compétitivité et tout le bras). Diable. Comment dire... Non ! Les richesses existent, bon sang, la répartition c'est pas demain, c'est maintenant ! … Mais tiens ? Que fait le philosophe Patrick Viveret au milieu des cravates du CEA, CGPME, CFDT, et BEI ? Eh bien il cite Aristote et dénonce le découplage économie spéculative / économie réelle... Et bigre, ça fait du bien.

Les services « au » public sont aux services publics ce que les charges sociales sont aux cotisations sociales.

Début d'après-midi, c'est au tour de Cécile Duflot. Je suis déçue. Connaissant le franc-parler de la Ministre, j'étais prête à twitter de petites phrases bien senties. Las, on assiste à un joli numéro ministériel de langue de bois bien techno (mince, ça vient vite quand même). Du coup, c'est dur d'en ressortir quelque chose, je prends en note des bouts de verbatim : « agir avec les territoires pour la décentralisation de demain... redressement et égalité des territoires... nouveau pas dans la territorialisation des politiques publiques... nouvelle articulation Etat / territoires... sur la croissance : 'la donne a changé, c'est en partant des territoires qu'on pourra aller vers ce que j'appellerais un nouveau modèle de développement'...'vous êtes le bon niveau pour élaborer des éléments structurants sur une échelle spatiale'... ». Bref. "Territorialisation, contractualisation, éléments structurants, échelle spatiale, gouvernance différenciée"... Je n'arrive même pas à en faire un twitt.

France_metropoles.jpgAh si, voilà. La Ministre nous met en garde sur le fait que l’État est parfois « concurrent et peut vouloir penser à la place des territoires », avant de rappeler que l’État doit rester « animateur, négociateur, régulateur, garant de l'égalité mais sur les prérogatives qui sont les siennes et seulement celles ci ». Sur le fait de repenser l'articulation entre l’État et le local, de réinventer la socialisation entre État, usagers et acteurs locaux, aucun souci. Mais Cécile Duflot parle ensuite de "services « au » public". Ah. On ne parle déjà plus de services publics ? Pour celles et ceux qui penseraient que ce n'est qu'un point de détail sémantique, rappelons que des services "au" public peuvent être assurés par le privé, et que la novlangue de l'Union européenne parle désormais de « services d'intérêt général » - SEIG et de SSIG (services économiques / services sociaux d'intérêt général). En effet, et je cite le Courrier des Maires : « l'UE ne distingue pas le service rendu par une entreprise privée et celui fourni par une entreprise publique. Seule compte la mission d'intérêt général remplie. La notion de SIG comprend à la fois les services marchands, dits services d'intérêt économique général (SIEG) et les services non économiques». CQFD. Les mots ont un sens. Les services « au » public sont aux services publics ce que les « charges » sociales sont aux cotisations sociales. Une subtile dérive vers les politiques libérales. Et vive la décentralisation.

Quand Vinci et Notre Dame des Landes prennent le dessus sur l'ARF (que dans ma tête hélas).

Tout au long de la journée, je continue à garder un œil sur ce qui se passe à Notre Dame des Landes, tout en laissant une oreille traîner à ce qui se raconte au Congrès de l'ARF. Peine perdue, plus le temps passe, plus les barricades tonnent, et moins j'arrive à me concentrer sur le ronron des discours institutionnels.

Dommage, la table ronde sur la transition énergétique est intéressante. Je me rebranche au moment de l'intervention de Thierry Salomon, de Negawatt qui nous explique qu'il faut « dire stop là où il y a des consommations énergétiques qui ne sont pas acceptables. On nous dit que c'est une question de libertés individuelles ? Mais alors faisons comme pour le Code de la route : bâtir un consensus collectif et citoyen sur ce qui est permis ou non ». Las, le communiqué du Président PS du Conseil Général de Loire sur les expulsions à Notre Dame des Landes achève de me déconcentrer. C'est mort. Le temps de rédiger un billet d'humeur et je m'enfuis. Ce soir pas de dîner de gala pour moi, je le sens pas là.

Illustrations : Expo réalisée par Acteurs Publics, la carte de France revisitée selon la densité et l'urbain métropolisé

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