mercredi 26 février 2014

Hiroshima, l'effet d'une Bombe • #広島市 • Ecosocialisme au Japon, épisode 9 • #エコソシアリズム

HiroshimaDomeQuai.jpg6 août 1945, un matin de guerre en été. Le ciel est clair, le soleil radieux. Il est 8h, la journée commence à Hiroshima, une ville de 350.000 habitants qui longe la Mer intérieure du Japon. Des étudiants et lycéens ont été mobilisés dans la ville pour des travaux de remblais. Des travailleurs, principalement Coréens, ont été amenés de force pour prêter la main. Entre 2000 et 6500 enfants ont été envoyés à la campagne pour fuir les bombardements.

La fin de la guerre est proche, l'état-major États-unien veut en finir avec les forces armées du Japon. Il cherche le coup final. Plusieurs possibilités, militaires et diplomatiques, sont examinées : débarquement terrestre, entrée en guerre de l'URSS contre le Japon... puis rejetées, cette dernière risquant de donner trop de pouvoir aux soviétiques.

L'hypothèse est finalement retenue d'un bombardement atomique, qui permettrait aux États-Unis de justifier les dépenses de recherche dans le domaine du nucléaire militaire auprès de sa population, et surtout de tester les effets grandeur nature de la Bombe A. Le « projet Manhattan », démarré trois ans plus tôt, trouve sa justification. Quatre objectifs possibles sont identifiés, dont Hiroshima et Nagasaki. L'état-major a posé ses conditions : la cible doit être une ville qui n'a pas subi trop de bombardements et d'une certaine superficie, pour pouvoir étudier au mieux les effets de la bombe. Hiroshima présente toutes ces caractéristiques et la ville a en outre un avantage décisif : elle ne détient pas de prisonniers américains.

HiroshimaOldPhoto.jpg8h15, la première bombe atomique de l'histoire de l'humanité est larguée. Elle contient 50 kilogrammes d'uranium 235 et mesure trois mètres. Elle a été surnommée Little Boy et couverte de graffitis et d'injures à destination du peuple Japonais. A 600 mètres du sol, juste au-dessus d'un hôpital, Little Boy explose en produisant l'équivalent d'un deuxième petit soleil dans le ciel d'Hiroshima : une boule de feu de 280 mètres de diamètre, au cœur de laquelle la température avoisine les 1.000.000 °C. L'air se dilate, la pression de l'explosion atteint 19 tonnes / m2.

En un éclair tout brûle, se tord et fond. Tout ce qui se tient sur terre, êtres humains, espèces vivantes et bâtiments, est incinéré sur place dans un rayon de 2 kilomètres. Au-delà se combinent les trois effets de la Bombe A : radiations, chaleur et souffle de l'explosion. Et la pluie noire qui donnera son titre au terrible film 黒い雨 Kuroi ame de Shohei Imamura.

350.000 personnes sont irradiées, brûlées et projetées. Les survivants, les « Hibakusha », développeront pour beaucoup cancers et leucémies. Une loi promulguée en 1957 leur assurera un suivi médical particulier. Mais 140.000 personnes mourront avant la fin de l'année 1945. La plupart des enfants envoyés à l'abri à la campagne sont devenus orphelins.

Le tout n'a duré qu'un instant. 

HirsohimaMemorial.jpg22 février 2014, Hiroshima, un beau matin d'hiver. Ciel clair, soleil radieux. A l'endroit même où la bombe a explosé se trouve le Dôme de la Bombe A, conservé en l'état pour mémoire. Plus loin, dans le parc du Mémorial, une flamme allumée dans un temple de Miyajima, censée brûler jusqu'à l'éradication de la dernière arme nucléaire sur Terre. Une arche en hommage aux victimes, et un Musée. Dès l'entrée de celui-ci, le poids de la France dans l'arsenal nucléaire est souligné. La Russie possède 10.000 têtes nucléaires, les Etats-Unis 8.000, la France 300. Suivent la Chine (240) et le Royaume Uni (225) puis l'Inde, le Pakistan, la Corée du Nord et Israël.

Dans le Musée pour la Paix, des témoignages, des maquettes, des photos, des objets brûlés. La vie à Hiroshima avant, et après la bombe A. Sobre, digne et insoutenable.

Hiroshima, ville martyre où l'état-major États-unien décida de tester les effets de la bombe A.

Hiroshima, ou comment une chaîne de commandement aboutit à ce que des êtres humains décident sciemment de larguer l'arme atomique sur des gens, civils et enfants, pour voir l'effet que ça faisait.

Hiroshima, Memorial de la Bombe A, patrimoine de l'Humanité. Il y a des héritages douloureux et lourds à porter. Du désastre nucléaire de Fukushima au délibéré militaire à Hiroshima, il y a de quoi se demander si les hommes ne cherchent pas juste parfois à tout foutre en l'air.

Être ici même, entourée de vie, m'asseoir sur un banc au soleil, écouter les oiseaux. Sous le même ciel, imaginer l'inimaginable. La vie suspendue, en une fraction de seconde. Éprouver douleur, peine et colère. Errer le regard noyé sans pouvoir s'en aller.

C'est la première fois de ma vie que je saisis à ce point l'intérêt d'un lieu de souvenir. Le travail de mémoire réalisé ici a su rendre la menace nucléaire terriblement concrète. C'est la première fois que je suis saisie à ce point, effrayée de ce que l'être humain est capable de produire. C'est la première fois que je me sens à ce point atterrée. Cette nuit là j'ai dormi douze heures d'affilée, comme pour ne plus jamais me réveiller. C'était il y a quatre jours. Entre-temps je me suis rendue dans ce temple de montagne sur le mont Misen à Miyajima, où la flamme du mémorial a été allumée. Quatre jours pour trouver le courage de mettre en mots, sans vraiment y arriver.

Photo d'archive : Yoshito Matsushige

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