Il y a huit mois, c’était l’émoi.

Toute la diplomatie occidentale réagissait fortement à l’arrestation de Selahattin Demirtas et Figen Yüksekdag, les deux co-présidents du HDP, troisième force politique en Turquie avec 6 millions d’électeurs. On pouvait lire trouble, inquiétude et indignation des États Unis, de l’Union européenne, de l’Allemagne et de la France.

Aujourd’hui, même à creuser les tréfonds d’Internet on ne trouve aucune suite à ces réactions. Et pourtant. Détenue depuis huit mois, Figen Yüksekdag risque 83 ans de prison. Son procès va avoir lieu le 4 juillet à Ankara. 

Alors après être allée pour Newroz l’an dernier à Diyarbakir, je serai de nouveau en Turquie ce 4 juillet pour répondre à l’appel à observateurs internationaux lancé pour ce procès. Je pars avec Jean-Christophe Sellin pour le Parti de Gauche et y représenterai également mon groupe RCES à la Région et European Left qui m’ont demandé d’y porter leur message de solidarité.


Photo : kedistan.net

Il y a beaucoup de politiques en prison en Turquie. A l’heure où on parle beaucoup de nos députés en France, rappelons que dix députés du HDP ont été déchus de leur immunité et incarcérés. (

Et puis il y a des enseignants, comme Nuriye Gülmen et Semih Ozakça : licenciés, arrêtés le 22 mai 2017 et en grève de la faim. Il y a l’étudiante Ebru Fırat, arrêtée début septembre 2016 lors d’un changement d’avion à Istanbul, alors qu’elle rentrait en France. Il y a Zehra Doğan, journaliste et fondatrice de l’agence féministe JINHA, arrêtée et emprisonnée le 21 juillet 2016, puis à nouveau le 12 juin.

Tous enfermés, privés de liberté. Privés. De. Liberté. Je ne vous parle pas de mots imprimés dans un journal, d’entrefilets sur la coopération turco-européenne ou de statistiques impersonnelles sur la répression des libertés, mais d’une réalité quotidienne pour des femmes et des hommes. Dure comme un mur et concrète comme le ciment.

Alors comme certains se jouaient des parties d’échecs mentales, quand d’autres récitaient des poèmes silencieux, ou tentaient de faire de la détention et de l’horreur un jeu de théatre, eux aussi apprennent à taquiner la peur et rappellent qu’un prisonnier reste simplement humain.

Ici aussi “la vie est courte, les oiseaux volent”, ici aussi “même si tu es un dragon ça ne change rien”, ici aussi “le vrai amour est ne pas céder” Selahattin Demirtas 

Alors oui, y aller. Certes, il y a des prises de position plus compliquées que d’autres. Des actes militants qui demandent à être réfléchis et soupesés. Mais il est des moments où les mieux intentionnées des postures ne suffisent plus, où l’engagement réclame un tout petit peu de mise en danger pour d’autres, qui eux le sont toute l’année. Parce que nos engagements internationalistes doivent être concrets, et que les mots parfois ne sont pas assez. 

Et parce que la littérature reste notre meilleure alliée quand le monde devient givré, j’emporte dans mon sac le recueil de poèmes de Sherko Bekas et voudrais pour finir profiter de ce billet pour citer deux livres majeurs sur l’emprisonnement : La cage aux lézards de Karen Connelly, et Aucune bête aussi féroce de Ed Bunker. Ces deux livres m’ont énormément marquée et m’accompagnent encore, des années après.

Voir aussi le communiqué du Parti de Gauche : Une délégation au procès du HDP à Ankara